« Oh mais quel est ce titre racoleur ? »
Vous demandez-vous (si, si, on vous voit). Et bien, il est directement inspiré des unes actuelles des magazines féminins. Le « beach body » a été supplanté par les conseils forme/santé/vitalité de la rentrée. On a donc décidé de parfumer votre retour de vacances avec un article sauce1mode et beauté, saupoudré d’un délicat cynisme dont nous avons le secret. Le tout, arrosé évidemment de sincérité.
Suite à nos formations, il est arrivé plusieurs fois que des stagiaires fassent le parallèle entre notre approche de l’impro et les pratiques de « mindfulness » (ou pleine conscience pour les moins bilingues d’entre nous). On s’est d’abord sentis comme 2 voyous (innocents malgré tout) braqués par un flingue de marque « développement personnel » (vous savez, celui qui tire des citations sur la gratitude à la place des balles en plomb).
Puis, après quelques conversations et lectures, nous avons compris, et même accepté la vérité : notre approche de l’improvisation théâtrale a de réelles accointances avec la méditation. C’est une pratique permettant d’atteindre un état de pleine conscience, c’est à dire une attitude d’attention « juste » sur ce qui vient de soi et de l’extérieur. La méditation s’est laïcisée, mais à la base, elle constitue une partie importante du bouddhisme (d’où le titre racoleur, mais pas que) où elle est une étape nécessaire vers la libération.
Loin de nous l’idée de faire de cette découverte un fer de lance de Décalez !, mais c’est toujours enrichissant d’être à la croisée des chemins, de surfer sur des frontières improbables. Nous avons donc décider de lister pour vous les 9 points communs entre l’improvisation et la méditation.
Les 9 points communs entre l’impro et la méditation
l’ancrage au présent
La méditation de pleine conscience est basé sur le fait « d’être, ici et maintenant ». Ne faire qu’être, s’ancrer dans le temps présent, c’est un peu mission impossible dans un monde où même le fils pas encore conçu de Justin Bieber doit déjà avoir un projet de vie. Se projeter dans le futur, regarder le passé avec nostalgie… quelle place pour saisir le moment présent ? La méditation en est un espace. L’impro aussi. En abolissant la planification, l’improvisation demande de se concentrer sur le fameux « ici et maintenant ».
Elle invite à se saisir de l’existant (son état du moment, l’environnement, son collègue) pour créer avec l’autre. L’exigence narrative de cette discipline invite cependant souvent à se projeter dans l’histoire pour construire un récit en bonne et due forme, au détriment de la pleine conscience.
Faire le vide/ faire de la place
Laisser place au moment présent, cela demande de ne pas être parasité par des pensées qui nous sortent de ce moment présent. La méditation nous invite à laisser passer ces pensées qui nous traversent. L’improvisation exige aussi de ne pas laisser s’installer ces parasites exogènes, sous peine de ne pas être pleinement à l’écoute de ce qui se joue sur scène. Si par exemple, mon hamster vient de finir sa vie dans mon lave-linge (ce qui est triste), je ne vais pas faire comme si de rien n’était. Je vais jouer avec mon état, au service de l’histoire. Un travail de funambule en somme.
L’écoute de soi
Stopper ces petits « J’ai passé une journée pourrie-Je culpabilise pour mon hamster- est-ce que le monde va vraiment s’effondrer en 2050 ?- Faut que je rachète du pain- Mais j’avais dit que j’arrêtais le gluten- J’ai vraiment aucune volonté c’est dingue !- Non mais tu arrêtes de te plaindre là ?- Y’a des enfants qui meurent toutes les secondes dans le monde- je suis sûre que j’ai du rouge à lèvres sur les dents-à quel moment on est diagnostiqué paranoïaque ? », ça demande d’abord d’en être de les identifier, pour mieux les laisser courir et s’en aller tranquillement. Sur scène, comme sur un coussin de méditation, faire le point sur ce qu’il se passe en soit est un préalable à une toile blanche prête à être un objet d’inspiration très fertile.
l’écoute de l’autre
Savoir s’écouter soi-même, ça amène à savoir écouter les autres. Simple, basique comme dirait le grand philosophe Orelsan. Une présence à soi, une présence au présent, cela mène à une plus grande acuité des sens. Indispensable à l’écoute, doncà la vie, donc à l’impro. CQFD2.
S’eloigner de l’ego
Dans le bouddhisme, l’ego est un concept en soi. C’est le « moi je », définit par l’ensemble des savoirs et expériences qui constituent l’individu. S’en détacher, c’est s’épargner des souffrances.
En impro, se détacher de son ego (au sens vulgarisé du terme), c’est aussi un préalable pour vivre le moment présent, et le vivre agréablement. Parce que lorsqu’on s’accroche à soi, à ses idées, il est impossible d’être à l’écoute de l’autre, et donc, de construire quoique ce soit avec lui. Une autre idée du moi en somme.
Lâcher-prise et disponibilité
Se laisser traverser par ce que l’on vit à l’instant présent est également un point commun des deux pratiques. Cela demande une forme de perméabilité, qui elle-même requiert de lâcher-prise sur toute forme de contrôle qu’on a l’habitude d’exercer. Vous me suivez toujours ?
En impro, contrôler le processus narratif nous empêche d’être disponible à ce qui émerge au moment présent : les idées de l’autre, notre propre intuition. La méditation, quant à elle, nous invite à laisser passer nos pensées, sans s’y accrocher, afin de se dissocier d’elles. Amateurs de velcro et de superglue s’abstenir.
Acceptation
Ce lâcher-prise est à la fois la condition et la conséquence de l’acceptation. Accepter, c’est être dans l’état d’esprit d’un « oui » à tout ce qui vient nous traverser, et qui relève souvent de l’imprévu. En impro, cela se traduit par le fait de suivre des propositions qui viennent de l’Autre, et qui ne nous conviennent pas forcément. Si je démarre une histoire en étant dans la jungle (parce que je trouve qu’être dans la jungle est une idée géniale), mais que mon partenaire de jeu m’emmène directement sur la banquise, j’ai le devoir de l’accepter, au service du spectacle. Même si c’est inconfortable pour moi, parce que je trouve que la banquise, c’est moins drôle que la jungle.
Dans les pratiques de pleine conscience, on retrouve également ce mécanisme (sans singe, ni ours polaire) : accepter des états ou des pensées, ne pas lutter contre elles. Et faire de ces pensées un état de fait qui existe. En improvisation théâtrale, on transforme cet existant en matière. Lorsque l’on médite, on les laisse couler.
De nouveaux mécanismes de pensées
Pratiquées de manière régulière, ces 2 disciplines ont une influence sur vos mécanismes de pensée. Voire même sur ce que l’on appelle la plasticité de votre cerveau. Tandis que l’une fera de votre environnement une source intarissable d’inspiration et de matière narrative, l’autre vous permettra d’obtenir une forme de détachement du monde. Deux manières de prendre du recul, entre réactivité et contemplation, écoute de l’autre et présence à soi avec une convergence : s’ouvrir à une infinité de possibles.
Ca fait du bien !
Comme il n’y a pas de mal à se faire du bien, disons le ici : pratiquer l’improvisation théâtrale et/ou la méditation, cela génère une forme de bien-être. De l’adrénaline à la dopamine, nos neurotransmetteurs font la danse de la joie. Comme dans une boîte de nuit sub-urbaine, on est dans 2 salles-2 ambiances. Mais vous n’êtes pas obligés de choisir votre camp : nous, on vous conseille de pratiquer les 2 !
1Dès qu’on entend le mot « sauce », on a envie de poursuivre avec « …samouraï, salade, tomate, oignons chef ? », mais l’heure n’est pas aux kebabs pour le moment
2CQFD : Ce Qu’il Fallait Démontrer (Conclusion mathématique. Si vous ne connaissez pas cette expression, nous vous soupçonnons d’avoir séché certains cours de maths au collège. Et au lycée).